Lettre ouverte d’un moustique tigre pour les français qu’il aime
A vous, chers futurs victimes,
Vous me connaissez presque tous. Je suis le moustique tigre. Celui qui est à l’origine de la dengue, du chikungunya et de zika et de pas mal d’autres maladies. Compte tenu du fait que moi et mes congénères allons bientôt refaire surface, et que vous êtes encore loin de venir à bout de notre espèce, j’ai décidé de vous écrire cette lettre, histoire de vous ouvrir les yeux (et vous narguer un peu aussi).
Arrivé en France dans les années 2000, j’ai fait un bon bout de chemin. Aujourd’hui, je couvre plus de 64 départements du territoire français. Et que dire des DOM-TOM.
Vous ne voulez plus de moi, pourtant, vous n’y mettez pas trop le paquet. Certes, vous avez mis en place un plan de lutte pour me déloger, un geste bien louable. Mais il faut avouer que c’est loin d’être suffisant. Dans presque tous les départements qui se sont lancés dans la lutte anti-moustique tigre, vous avez concentré vos efforts dans la sensibilisation de la population.
Oui, une bonne idée certes, si nous nous basons sur cette enquête IFOP de 2018 pour Vigilance-Moustiques. Eh oui, 4% seulement des français connaissent les maladies que je peux transmettre et ô combien elles sont dangereuses pour les plus vulnérables. Le zika, par exemple, entraîne une malformation chez le fœtus : la microcéphalie.
Et que dire de ces 45% des personnes habitant en zone rouge qui ne savent même pas à quoi un moustique tigre ressemble. Comment voulez-vous qu’ils signalent ma présence à une quelconque institution? D’ailleurs, seulement 59% d’entre vous sont enclins à signaler ma présence aux autorités.
Vous ne cessez de leur répéter qu’il faut éliminer les points d’eau, mais combien d’entre eux s’y mettent vraiment ? Rappelez-vous, il ne nous faut, à nous moustiques tigres, que quelques millilitres d’eau pour déposer nos œufs. Et nous n’attendons que ce voisin qui n’aura rien à faire de cette sensibilisation et qui laissera l’eau de ses coupelles traîner partout, une aubaine pour nous.
Bref, je me dis que vous m’aimez bien. Autrement, vous auriez misé sur autre chose pour cette lutte contre moi et mes congénères.
Et la démoustication, parlons-en. Ce que je ne comprends pas chez vous, chères autorités, c’est que vous n’agissez que lorsqu’un cas de dengue, zika ou de chikunguya surgit. Agir, un bien grand mot pour ce que vous faites. Vous ne lancez des opérations de démoustication que dans les quartiers où vivent ces personnes atteintes de la maladie. Mais encore, vous n’agissez que dans un rayon de 150 mètres autour de la zone touchée.
Vous vérifiez dans les 48h qu’il n’y a plus de moustiques adultes et voilà, c’est tout ! On ne vous verra pas de sitôt dans cette zone. Vous souvenez-vous de cette lettre ouverte de la maire de Montauban que vous avez royalement zappée ? Pourtant, pas mal d’ habitants se sont aussi plaints, et cerise sur le gâteau, on a signalé d’autres cas dans d’autres quartiers.
Je me dis que vous m’aimez bien en fin de compte. Eh oui, si vous vouliez vraiment m’évincer, pourquoi ne pas faire cette opération de démoustication dans toute la ville en cas de maladie confirmé ? En réponse à cette lettre de la maire, vous aviez dit que tuer des moustiques adultes ne serait en aucun cas la solution. Et on vous remercie. Nous pourrons, comme l’année dernière, empêcher les français, notamment ceux qui vivent en zone rouge, de sortir de chez eux. Et pour jouer avec leurs nerfs, nous aimons nous agglutiner devant leurs fenêtres en attendant une infime ouverture.
Au lieu de ça, vous vous en prenez à nos progénitures. Certes, notre prolifération en prend un coup mais c’est loin de suffire. En plus, vous en prendre à nos larves, infanticide ! En tant que parent, ça nous fend le cœur. Mais nous serons encore plus nombreux encore. Mais bon, vous utilisez des larvicides lorsqu’il n’y a pas de cas de maladie : dans le cadre de la « lutte de confort » comme vous l’appelez.
Mais c’est quoi ce mode de fonctionnement ? Pourquoi agir ainsi ? A la place, vous préférez vous déchirer entre vous, à vous disputer sur qui doit faire quoi ? Faut-il faire appel à des opérateurs privés pour vos opérations anti-moustiques et anti-larvaires. Vous dissolvez des EID par-ci par-là parce que c’est difficile pour trois régions différentes de…s’entendre. Si ça ce n’est pas ironique. Vous ne prenez pas au sérieux cette lutte au fond.
Vous vous demandez comment empêcher un moustique tigre de vous piquer ? Rappelez-vous, nous autres, moustiques tigres, sommes actifs en journée. Gare à votre épiderme pendant vos promenades. Vous vous enduisez de ces produits anti-moustiques, certes, c’est efficace. Mais attention, ce n’est que pour deux heures maximum. Après, on passe à l’attaque.
Et pour empêcher un moustique tigre d’entrer chez vous, vous fermez toutes vos portes et fenêtres. Vous n’étouffez pas ? Il y a des petits malins qui mettent des moustiquaires un peu partout mais bon. La mauvaise qualité de certains produits finit par nous faire rire.
Quoique, il y a certaines moustiquaires par lesquelles il nous est impossible de passer. En plus, aucun moyen de se faufiler lorsque quelqu’un entre ou sort. Ça se referme rapidement et hermétiquement. Ne les utilisez pas, s’il vous plaît ! Nous avons besoin de votre sang pour le bien-être de notre progéniture que vous méprisez autant.
Et cette fameuse moustiquaire Tranquilisafe, je la hais particulièrement. Elle nous empêche de traverser avec ses mailles serrées. On a beau essayer de gratouiller, rien n’y fait. C’est de la laine de verre, trop résistante pour nous. Sur les autres moustiquaires, on peut profiter du laps de temps entre l’ouverture et la fermeture de la fenêtre, porte ou baie vitrée moustiquaire (et il y en a du temps, je vous assure) pour nous inviter chez vous.
Mais avec cette moustiquaire Tranquilisafe, il n’y a quasiment pas ce précieux laps de temps. La toile s’ouvre et referme automatiquement et rapidement à chaque passage, impossible de se faufiler. Bref, je vous demande donc, s’il y a un soupçon d’humanité chez vous, de ne pas les utiliser.
Bref, j’en ai trop dit et j’espère vous revoir bientôt à moins que vous ne changiez vos méthodes de lutte et utilisez les bons moyens de lutter contre notre espèce. Bon courage !
Ce cher moustique tigre qui vous aime (du moins votre sang)